Dans « Cadoré », il y a « cadeau » et « doré ».

Qu'on me pardonne ce trop facile jeu de mots, pour rendre compte de la magnifique soirée que nous ont offert, le 11 avril dernier, Jean-Louis Cadoré et Anna Bosco. C'était au Tabou, un café associatif en bordure du Panier, à Marseille. Je pourrais définir leur recherche artistique, poétique et musicale comme l'art délicat de faire des chansons sérieusement sans jamais se prendre au sérieux. Il y en a tant, de ces chanteurs à guitare qui se croient maudits, rejetés par le « système », mal compris, mal reconnus. Ces deux-là s'en colchiquent royalement : ils chantent, ils jouent, leur complicité est drôlissime, l'union de leurs voix est un cadeau doré.

Honneur aux dames, je commence par Anna Bosco, que je ne connaissais pas du tout, mais que les adhérents et fidèles du Tabou connaissent bien : des textes subtils, émouvants, il y a de l'Italie, de la Méditerranée, de la tarentelle, du Giovanna Marini, du Gianmaria Testa, du Jean-Claude Izzo. Elle chante tout aussi bien ses textes que Barbara ou Bïa, c'est dire ! A l'heure où certains stigmatisent à tour de bras (extrême-droit) tous ceux qui viennent d'ailleurs, les chansons d'Anna rappellent qu'à Marseille, les Italiens, les « Ritals », venus ici pour travailler durement, étaient pourchassés durant de sombres heures de notre Histoire.

Jean-Louis Cadoré est un poète. Par ses textes ciselés sur des mélodies d'orfèvre, il touche le cœur de l'Humain. Un univers sans fioritures, sans artifices, un « homme qui chante », dirait Félix Leclerc. Et le rire, toujours présent, pour dire qu'au fond rien n'est grave puisque tout est important. Leprest et Vassiliu doivent sourire dans leur paradis de nuages, Bertin se réjouit d'avoir une relève assurée. Il y a de la révolte chez Cadoré, mais elle ne s'exprime pas par le hurlement d'un Ferré ou le lyrisme d'un Ferrat. Elle pointe le bout de son nez au détour d'une chanson engagée qui n'en a pas l'air, ce qui est extrêmement compliqué à écrire, me semble-t-il.

Un mot sur le Tabou, pour finir. Un lieu que j'ai fort bien connu, dans les années 1999-2009, quand il s'appelait encore le Courant d'Air Café, et que j'y organisais régulièrement des soirées chansons avec toute une bande de joyeux drilles de cette époque. Hervé Lapalud, Gilles Roucaute, Philippe Forcioli, Alcaz et d'autres s'y produisirent, tout comme votre serviteur ! Nous évoquions hier soir ces lieux de la chanson qui, à Marseille, ont disparu : le théâtre Jean Sénac, le (B)éret Volatile, le Stendhal, le théâtre Marie-Jeanne, le théâtre de l'Escoutille, le Réveil, l'Exodus... Heureusement qu'il reste le Tabou, ainsi que d'autres lieux comme la Méson, l'Equitable Café ou, tout récent, l'Atelier Charbonnier Lutherie.

Si c'est en forgeant qu'on devient forgeron, c'est en écoutant mes amis poètes et chanteurs que, tout doucement, revient l'envie d'écrire des chansons - entre deux livres à paraître - et, qui sait, de les chanter, moi qui suis rangé des voitures (ou des guitares) depuis octobre 2009... Je les en remercie !

A noter : parution ce mois-ci du livre de Jean-Louis Cadoré, « Chansons, poèmes et histoires courtes », préface de Sylvie Méheut, dans la nouvelle collection « Autres chants », Editions L'Harmattan. A exiger chez votre libraire indépendant !



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