Le sens des mots pour mieux comprendre l'Islam
En cette période de l'Aïd el-fitr, qui marque la rupture du
jeûne, après 29 jours de Ramadan, il me semble important de
chercher le sens de ces mots que l'on utilise et que l'on entend
chaque jour. Je ne prétends aucunement être un spécialiste de
l'Islam, je ne livre ici que le fruit de mes recherches documentaires
à la bibliothèque de l'Alcazar (Marseille) ainsi que sur internet
(sur des sites que je juge fiables comme Le Robert, Larousse, Le
Monde, Le Monde diplomatique...)
Le premier des termes que je choisis a pris une connotation très
négative en France, les « Arabes », empreinte de ce
racisme latent qui me glace littéralement le sang. Ce sont pourtant
les lointains descendants d'une souche localisée dans la péninsule
arabique (qui comprend 7 Etats : l'Arabie saoudite, le Yémen,
Oman, le Qatar, les Émirats arabes unis, le Koweït et Bahreïn),
cette immense zone géographique située entre l'Asie et l'Afrique.
Au fil des conquêtes et des migrations de l'Histoire, les Arabes se
sont installés au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Ils sont
environ 230 millions d'habitants, vivant dans 22 Etats. En réalité,
ceux que nous appelons ici les « Arabes » sont nos
voisins d'outre-Méditerranée : les Maghrébins. Le Maghreb
regroupe l'Algérie, le Maroc et la Tunisie.
Bien que parlant une langue commune, l'arabe (aux dialectes
multiples), le « monde arabe » est très diversifié.
Les Arabes sont en très grande majorité musulmans sunnites, avec
des minorités chiites, druzes et alawites. On trouve également des
communautés chrétiennes telles que les Coptes en Egypte.
L'apport du monde arabe à l'Europe est considérable en matière
économique (commerce), culturelle (poésie, littérature,
calligraphie), scientifique (algèbre, médecine), c'est ce
qu'oublient de dire ceux qui prétendent que nous n'aurions qu'une
histoire chrétienne.
Au sens étymologique, le mot « islâm » peut être
traduit par « soumission à la volonté de Dieu », mais
il faut rappeler qu'il contient la même racine arabe que « salâm »
(« paix »). Le message de l'Islam est donc un appel à la
paix, comme les autres religions. L'Islam est une religion
monothéiste fondée par Mahomet, qui vécut entre 510 environ et
630. Selon la foi musulmane, les premiers principes lui ont été
progressivement révélés par l'ange Gabriel. Il les a répétés
puis dictés, ce qui donna naissance au Coran. Contraint de s'exiler
de La Mecque à Médine, il devint l'unificateur de l'Islam. Après
la mort de Mahomet, plusieurs branches sont nées d'un schisme entre
les partisans de ses différents successeurs : les sunnites
(considérés comme les orthodoxes musulmans, partisans du successeur
Abou Bakr), et les chiites (partisans d'Ali).
Le Coran (114 sourates) révélé à Mahomet par Dieu, est, avec
la Tradition, le fondement de la vie religieuse et politique de
l'Islam. La loi canonique (charia) fixe les 5 piliers de la
religion : 1) la profession de foi, 2) la prière rituelle 5
fois par jour, 3) le jeûne du Ramadan, 4) le pèlerinage à La
Mecque une fois dans la vie, 5) l'aumône rituelle.
Il faut rappeler que les religions dites « du livre »
tiennent une place importante dans l'Islam, qui reconnaît les
« Ecritures » : Torah, Psautier, Evangile ainsi que
les prophètes Adam, Noé, Abraham, Moïse et Jésus (qui n'est pas
considéré comme le fils de Dieu).
Les statistiques sur le nombre de Musulmans varient selon leur
mode de calcul, ils seraient 1,2 milliards à travers le monde,
répartis en majorité au Moyen-Orient, en Asie et en Afrique, et
entre 2 et 5 millions en France (soit entre 3 et 7 % de la population
française). Notons qu'il est – heureusement – interdit d'établir
des études statistiques sur la religion ou les origines ethniques.
Enfin, l'islamisme (appelé aussi fondamentalisme musulman)
désigne, depuis les années 1970, les différents courants les plus
radicaux qui souhaitent faire de l'Islam une idéologie politique et
non seulement une religion. Le mot « jihâd », utilisé
par les fondamentalistes, signifie la « lutte », certes,
mais celle que chacun doit d'abord opérer en lui-même pour fuir ses
propres démons et les tentations, et ne pas commettre de péchés.
Si la « charia » (littéralement « le chemin qu'il
faut suivre ») est l'ensemble des lois et codes régissant la
vie musulmane, elle fait l'objet de nombreuses interprétations par
les différents groupes religieux et les théologiens, allant
jusqu'aux plus radicales, à travers les mouvements terroristes, par
exemple au nord du Mali, au Niger ou en Afghanistan.
Ce qu'il faut comprendre dans le choix des mots, c'est qu'ils ne
sont jamais anodins, et toujours connotés par l'histoire et le
contexte dans lequel les événements se produisent. Des débats
incessants continuent de diviser le monde entier sur la place et le
rôle de la femme, pourtant reconnus dans le Coran, ou la
compatibilité entre la religion et la démocratie. Or, il y a
tellement d'exemples, sur le terrain, qui montrent que « cela
fonctionne », grâce au dialogue inter-religieux, aux milliers
d'associations qui œuvrent, à l'éducation et la prévention !
Nous le voyons bien à travers la culture, la musique, la
littérature, la poésie ! Pourquoi ne parle-t-on que des
incidents et des provocations, et jamais des réussites ? Pour
une jeune femme refusant de présenter sa pièce d'identité à des
policiers qui la contrôlent parce qu'elle porte le voile intégral,
combien de milliers de jeunes femmes qui mènent leur vie sans
déranger personne ? Si les islamistes constituent un réel
danger, y compris en France, il ne sert à rien de généraliser
cette question à l'ensemble des Musulmans, qui sont des femmes, des
hommes, des familles, des jeunes, qui ne demandent pas autre chose
que de vivre harmonieusement, dans la société française
d'aujourd'hui. On préfère couper court à l'histoire et faire de
sacrés amalgames sur le voile, l'alimentation, la pratique
religieuse, etc. En tant que deuxième religion en France, qu'on le
veuille ou non, il serait peut-être temps qu'une grande ville comme
Marseille accélère la construction d'une vraie mosquée pour
permettre aux musulmans de ne plus prier dans les rues ou dans les
immeubles, ce qui dérange tant certains au sein de la droite dure ou
extrême. Le lit du Front National a été largement dressé avec les
draps du mensonge, du raccourci et de la stigmatisation
systématique... En temps de crise, il est de bon ton de s'en prendre
aux Autres, aux étrangers (même si leurs grands-parents sont
arrivés en France à une période où nous avions besoin de faire
venir toute une main d'oeuvre du Maghreb pour travailler sur les
chantiers, dans l'industrie...) Pourquoi parle-t-on d'eux bien plus
aujourd'hui qu'il y a seulement 50 ans ? Il faudrait un long
rappel de l'histoire de l'immigration (surtout sur ses raisons
économiques et démographiques) et de la difficulté de la France à
« intégrer » (ce mot est une aberration à lui tout
seul!) ces générations qui se sont senties abandonnées, mal
reconnues, mal considérées, sans espoir d'être enfin regardées
comme des citoyennes et des citoyens français. Mais attention !
Chacun a sa part de responsabilité, et les communautés musulmanes
doivent aussi reconnaître la leur : je pense à ces jeunes que
j'accompagne en formation et qui expriment maladroitement une colère
et un mépris pour la France, alors qu'ils sont français, immigrés
de 3ème ou 4ème génération ! Les dérapages
politiques, largement amplifiés par les médias, contribuent à
cette double image négative (« ils ne veulent pas s'intégrer
/ ils profitent du système et des aides sociales » d'un côté,
« la France ne fait rien pour nous aider » de l'autre),
laissant la place à tous les préjugés et contre-vérités
historiques !
Le travail qui nous attend est titanesque pour que les regards
changent, des deux côtés. Outre le respect de la loi et de la
laïcité, qui doit être le même pour tous, c'est par le dialogue,
l'éducation et le lien social que nous devons y parvenir, car c'est
la cohésion de toute notre société qui est en train de vaciller.
Etre un Etat laïque digne de ce nom, ce n'est pas s'en prendre aux
religions, c'est défendre la séparation des églises et des
affaires publiques (les récents débats sur le « mariage pour
tous » en ont montré les limites avec les comportements
indignes d'une minorité de manifestants se réclamant du
catholicisme !), c'est permettre une juste place à la religion dans
la sphère publique et faciliter sa pratique dans la sphère privée.
Un excellent dossier peut être consulté sur le site de France Télévision Education.
Je recommande également l'émission "Ça va, ça vient" sur LCP consacrée à l'Islam :
Des chansons pour illustrer cet article :
1) "La rose et le réséda", poème d'Aragon superbement mis en musique par Bernard Lavilliers et interprété par Juliette Gréco. Ce poème est dédié à quatre grandes figures de la résistance : Gabriel Péri (membre du Parti communiste), Honoré d'Estienne d'Orves (rallié au Général de Gaulle), Guy Moquet (fils d'un député communiste), Gilbert Dru (qui développa la Résistance au sein de la Jeunesse Chrétienne). Il montre que des êtres humains, qu'ils soient croyants ou non, sont capables de s'unir pour défendre une juste et noble cause.
2) "12 septembre 2001", d'Abd Al Malik, dont je recommande également la lecture de "La guerre des banlieues n'aura pas lieu" (Le Cherche Midi). Il a d'ailleurs écrit pour Juliette Gréco et travaillé avec son époux, le compositeur Gérard Jouannest (connu pour son travail avec Jacques Brel notamment).
3) "L'Arabe" de Serge Reggiani, très belle chanson sur la fraternité :
4) "Taj Mahal" de Michel Jonasz, magnifique hommage à l'immense mausolée situé en Inde et construit par l'empereur moghol Shâh Jahân, en pleine apogée de l'Islam, et en mémoire de son épouse :
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